L’ouverture sur le monde et l’ethnomusicologie

C’est à la fin du XIXe siècle que les Occidentaux ont commencé à reconnaître, nommer et apprécier les musiques d’ailleurs. Certains compositeurs de musique classique occidentale s’étaient déjà inspirés de chants et de danses d’autres pays, mais ce sont les Hongrois Béla Bartók (1881-1945) et Zoltán Kodály (1882-1967) — tous deux ethnomusicologues et compositeurs — qui ont été parmi les premiers à étudier et à enregistrer, collecter et analyser les musiques traditionnelles de leur région.

Tout au long du XXe siècle, les ethnomusicologues parcourent la planète pour faire leurs recherches et collecter des musiques dans leur contexte afin de connaître, de préserver, d’apprendre et d’étudier les musiques du monde. Ils s’intéressent non seulement à l’aspect sonore et musical, mais également aux aspects sociaux et culturels qui entourent la musique. Plusieurs enregistrements réalisés par ces spécialistes au fil des années ont été publiés et ont permis au public de découvrir à son tour des univers musicaux étonnants.

Par la suite, les ethnomusicologues ont voulu briser la hiérarchie entre l’Occident et le reste du monde, entre la musique classique et la musique populaire, en accordant une valeur égale aux musiques de tous genres.

La mondialisation, la technologie et la diffusion

Le rapprochement des populations, la mondialisation et l’avancement technologique — particulièrement le développement de l’enregistrement sonore — sont étroitement liés à la connaissance, à la diffusion, à la transformation et à l’évolution des musiques du monde.

D’une part, les déplacements de populations, les migrations, les diasporas partout dans le monde ont contribué non seulement à la diffusion, mais aussi à l’évolution des musiques du monde. Les immigrants ont souvent transporté et conservé la musique de leur pays d’origine. Les diasporas deviennent à la fois un contexte de conservation des traditions et un lieu de transformation. Elles sont essentielles dans la création de nouveaux styles musicaux, comme la musique klezmer de la diaspora juive en Amérique du Nord ou le bhangra londonien de la diaspora indienne.

Les musiques du monde se diversifient et évoluent au fil des échanges. Les rencontres musicales ont donné lieu au cours de l’histoire, et encore aujourd’hui, à de nombreux métissages musicaux.

D’autre part, l’enregistrement sonore a permis de faire voyager ces musiques et de les rendre accessibles au grand public. Depuis les rouleaux de cire (à la fin du XIXe siècle) jusqu’au MP3 d’aujourd’hui, les mélomanes ont pu découvrir des musiques en provenance des quatre coins du monde.

Plus récemment, la distribution de musique via Internet et l’importance des réseaux sociaux transforment le monde de la musique et ont une influence sur la création musicale, entre autres, dans le domaine des musiques du monde. Par exemple, les DJ remixent les sons des traditions du globe et créent ainsi un nouvel intérêt pour les musiciens traditionnels.

Le «world music» et l’industrie de la musique

L’intérêt de l’industrie musicale pour les musiques du monde est un phénomène relativement récent. En effet, depuis 1960, les maisons de disques, producteurs, festivals et autres diffuseurs dans ce domaine se sont multipliés. C’est dans les années 1980 qu’on remarque le plus de croissance. Le terme world music, même s’il est attribué à l’ethnomusicologue Robert E. Brown au début des années 1960, est apparu dans le commerce en 1987 alors qu’un groupe d’une douzaine de producteurs de Londres choisissaient ce terme pour améliorer la mise en marché de leurs disques.

C’est à ce moment que toutes les musiques du monde ont été rassemblées sans discernement: des artistes traditionnels côtoient les artistes de la mondialisation qui pratiquent une musique métissée. En peu de temps, les genres plus proches des musiques pop se sont ainsi retrouvés dans cette catégorie.

La «musique du monde» québécoise

Depuis le début de la colonie, on retrouvait au Québec des influences françaises et celtiques. Dès 1911, l’anthropologue québécois Marius Barbeau faisait la recension des traditions orales canadiennes françaises et amérindiennes. La musique traditionnelle québécoise se pratiquait principalement en milieu rural et intéressait de nombreux chercheurs.

Dans les années 1970, un mouvement de retour aux sources mène toute une génération de musiciens québécois à redécouvrir leurs racines et à s’intéresser aux traditions du monde. C’est alors que des groupes de musique traditionnelle comme La Bottine souriante voient le jour. Depuis, de nombreux groupes de musique «trad» québécoise ont émergé et ont connu beaucoup de succès partout dans le monde.

Dans les années 1980, plusieurs organismes pour la promotion et la diffusion de musiques traditionnelles de tous les horizons sont créés. Puis, les radios proposent des émissions consacrées aux musiques du monde qui accordent une place importante aux musiciens d’ici. C’est alors que l’engouement pour les musiques du monde chez le public québécois se développe autant pour les musiques d’ici que pour celles d’ailleurs.

Les musiques d’ailleurs au Québec

L’Expo 67, avec son Festival mondial, a certainement éveillé la curiosité des mélomanes québécois. Dans les années 1970, des artistes de musique populaire, comme George Harrison des Beatles, intègrent des sonorités exotiques à leur musique, et des musiciens étrangers, comme le sitariste indien Ravi Shankar, sont présentés à l’Occident. Au cours des années 1980, plusieurs festivals de musiques du monde voient le jour et permettent au public québécois de découvrir ces musiques en concert.

De nombreux artistes internationaux ont connu beaucoup de succès au Québec, comme les Bretons Malicorne, Petru Guelfucci et les polyphonies corses, la diva du Cap-Vert Cesaria Evora ou les papis cubains du Buena Vista Social Club. Les mélomanes s’ouvrent sur le monde et plusieurs écoles spécialisées font leur apparition. Il est désormais possible de s’initier aux danses d’ailleurs — du gumboots à la danse indienne — ou d’apprendre à jouer une musique exotique — du gamelan balinais aux percussions africaines.

Les musiques du monde au Québec sont aussi un reflet de l’immigration et de la diversité culturelle. Plusieurs musiciens issus de différentes cultures s’y installent et y développent leur carrière. C’est là une de nos grandes richesses!